lundi 7 février 2022

FAIRE L'AUTRUCHE / Garage Amelot : retour en images

 FAIRE L’AUTRUCHE 

 Je ne sais pas si c’est la poule ou l’oeuf et Marguerite non plus 



Une installation d’art total au Garage Amelot, Paris 11

15 - 26 mai 2021


VIDEO DE L'EXPO



Produit par QUELQUE-CHOSE DE NEUF


Texte d’exposition : Grégoire PRANGÉ


Soutenu par PLATEAU URBAIN





                                                                                             © Corentin Schimel




                                                                                         © Corentin Schimel




 © corentin schimel



Texte d'exposition 

" L’as-tu vue ? Là, au milieu de la salle, flottant entre deux mondes, l’as-tu vue ? Le visage baissé – a-t-elle seulement un visage derrière cette longue cascade de cheveux dorés – le dos courbé, femme-colline aux multiples lianes déployées. L’as-tu vue ? Certes tu as regardé – comment passer à côté – mais s’il te plaît, regarde encore.

C’est une jeune femme qui se tient là. Elle enfouit sa tête dans le sol, telle l’autruche se reconnecte avec la terre, chaude, accueillante, ne fait plus qu’un avec l’environnement. Son visage ? Nul ne le peut deviner – ni même son identité. On nous dit qu ́elle est Marguerite, celle du tableau de Vélasquez, l’infante d’Espagne à la vie tragique, éternelle enfant au futur amputé – net – entourée de ses suivantes, immortalisée dans l’un des chefs d’œuvres du baroque espagnol. Elle est image avant d ́être personne, pourrait aussi bien n’être personne, ou bien l’humanité toute entière, pourrait aussi bien être la terre – elle est la forme, celle qui se tient cachée, qui se devine plus qu’elle ne se voit. Elle est mystère.

De son corps-paysage s’échappent des lianes – lignes courbes dessinent dans l’espace – comme le cou de l’autruche reliant le corps à la terre connectent et reconnectent, des coudes, des détours, des chemins que l’on suit vers l’ailleurs. La femme-liane est la femme magicienne, la sorcière aux forces telluriques, la liberté réprimée, l’enfance que l’on ne sait regarder, la terre que l’on ne sait écouter.
Et elle se tient courbée, devient colline parmi d’autres, de sa robe qui s’étend sur le paysage couvre la terre, et puis les autres aussi, les couve et on se tient dessous, sous la colline, couvés nous aussi par les larges pans de son vêtement et une voix résonne, qui parle de Tina – elle aussi sous la robe – de Marguerite et nous raconte, et la musique nous entraîne – on pourrait bien danser. Couvés nous aussi, comme ces œufs cuisinés tout autour, ceux sur les présentoirs, suspendus dans l’espace comme autant d’offrandes culinaires pour on ne sait quelle force surnaturelle – ou bien sont-ils pour nous ?

On sort de sous la robe, à l’extérieur retournés de grands pans de tissus se dressent devant notre regard. On les avait vus en arrivant, ils étaient bien là mais blancs presque tout entiers, de l’autre côté. À présent profusion d’images et de symboles, de grandes compositions à observer : un arbre blanc sur ciel de toutes les couleurs, de nombreuses lianes emmêlées, des motifs de papier peint remplis de formes géométriques, encore des couleurs et là des cheveux dessinent les contours d’un visage disparu, absence révélée, la lumière passe à travers non ? C’est le visage de Cléopâtre qui manque ici – mais il ne manque pas, au contraire marque, on ne voit que lui, présence presque assourdissante ! Une autre femme- image donc, mythe presque divin, la femme-soleil à l’aura plusieurs fois millénaire. Une autre tragédie aussi, une mort devenue fantasme pour les arts et la mémoire, une renaissance quasi-cosmique. Cléopâtre n’est pas une enfant, elle, mais magicienne également est devenue image puissante à la chaleur solaire, est devenue symbole.

Marguerite et Cléopâtre pourraient bien se regarder, si l’une n’avait pas les yeux rivés dans le sol, si l’autre ne s’était pas livrée au cosmos. Elles pourraient se regarder et qu’auraient- elles à se dire ? Qu’auraient-elles à nous dire ? Passant de l’une à l’autre nous créons le dialogue, nos corps dans l’espace comme autant de flux entre ces deux femmes-images jouent le discours de leur rencontre empêchée. L’environnement tout entier transpire leur présence, et nous aussi."

Grégoire Prangé Lille, mai 2021










Un REVERS DE TOILE à l’entrée, faisait entrer le spectateur par l’envers du décor… Trois grands pans côte à côte, travaillés de transparences prenant le soleil de la verrière, dans lequel une autruche plonge son cou au revers. De face : la divinité du soleil égyptien prenait place aux travers les contours d’Elizabeth Taylor lorsqu’elle réincarne le mythe de Cléopâtre dans le film célèbre. Femme culturelle éternelle faisant face à Marguerite. L’oeuvre fusionnait un drap de lit, un morceau de paysage dessiné, des morceaux de chemises de nuit, de tissus plus ou moins précieux




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Cléopâtre au soleil (revers), 2021

Dessin à l’encre et stylos sur papier et tissus, photo-collages, chemise de nuit, toile de parachute et perles, marouflés sur toile.350x700cm






                                                                                                                                                                                                                   












L’INFANTE MARGUERITE du tableau de Velasquez "Les Ménines" est morte en accouchant d’une fille prénommée comme sa mère. Ce contre-temps comme les consanguinités royales dont elle est issue, a inspiré la création d’une femme-paysage qui prendrait la posture d’une autruche pour fuir son environnement. Sa robe à paniers devint île de ménines, suivantes métamorphosées en montagnes de dentelles. Dans son refuge pouvaient entrer quatre, cinq personnes. Y étaient diffusée la bande sonore, poème adressé au spectateur sur une musique de Yoann-Till. On pourrait aussi penser qu’elle tire sa révérence à la femme culturelle qui lui fait face, éternelle Cléopâtre s’adaptant perpétuellement aux cultures humaines.

                                                               



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                                                                                         © corentin schimel


                                                                                         © corentin schimel









UNE PORTE PLEINE DE LUMIÈRE. Une petite procession de bateaux-coquilles d’oeufs sur farine menaient vers un microcosme en parpaings à l’intérieur rose coquille d’oeuf, présentant les pièces réalisées dans la maturation de l’exposition. Sur son mur extérieur : un grand dessin matrice présentait Les Suivantes (Foucault traduit Meninas ainsi) : trois femmes s’engendrant l’une l’autre en travaillant leur fond environnant comme une germination infinie qui déborde forcément son cadre.







Les Suivantes, 2021

Crayons stylos, collage, plume, perles, papier peint, peaux de poissons découpées… sur papier marouflé sur toile.130x240cm.








dans le microcosme rose :








Vanina Langer déploie dans les 800m2 du Garage Amelot une aventure multi-sensorielle interrogeant notre relation au vivant, entre sculptures pénétrables, dessins monumentaux, poésie sonore, musique, design culinaire et oeuvres olfactives... L’artiste est entrée dans le chef d’œuvre de Vélasquez et le spectateur parcourt un paysage mythique, de la robe à paniers de l’Infante Marguerite jusqu’au soleil actuel de notre monde chiffonné.


Projet d’art total rétrospectif du travail des trois dernières années, l’oeuvre monumentale déploie la nouvelle mythologie de l’artiste, réflexion sur l’engendrement du vivant dans notre monde : posture de l’homme lorsqu’il invente des cultures contre nature. Le contre-sens de l’expression faire l’autruche est le point de départ du projet. Que fait-elle lorsqu’elle plonge son cou dans la terre? Nous y projetons une fuite comme si elle fermait les yeux sur notre univers en cachant sa tête. Hors ce trou est son nid et l’autruche y retourne ses oeufs pour maintenir une température ambiante… Elle veille donc au bien-être de sa descendance pour dessiner un avenir, survivre.


Les oeuvres de l’artiste questionnent la relation de l’être à son environnement en tissant des liens, lianes métissées des miettes qu’elle glane pour créer du sens et des histoires. Ici, la question est celle de l’homme dans l’espace-temps actuel, en anthropocène, écrin de la vie humaine qui ne permet plus de penser une éternité. La liane pourrait être le cou infini d’une autruche ou les entrailles de femmes issues de notre Histoire de l’art. 


La scénographie de l’exposition réinterprète les Ménines de Velasquez et sa dérobade par rapport aux questions de transmission et générations. Le regard inquisiteur d’une enfant vers ses parents, éternellement réactualisé par chaque spectateur, avec sa toile de fond de consanguinités royales elle aussi contre nature. Marguerite, la femme-fleur, se penche dans la posture célèbre de l’autruche. Elle et ses suivantes deviennent paysage, île ou canopée composée de branches tressées, dentelles amidonnées, fragments de robe nacrée et d’un parachute désossé. A l’intérieur de ce refuge, la voix de l’artiste scande son texte poétique adressé au spectateur, sur la musique de son compagnon, Yoann-Till, qui invite à danser. Les bras et la chevelure de l’Infante sortent de la robe et parcourent l’espace à l’aveugle, tandis que sa traîne propose une descendance végétale : pâquerettes olfactives dont le spectateur peut prendre une pétale imbibée d’une odeur composée spécialement par Chloé Jemming, nez et olfacto-téhrapeute, amie d’enfance de l’artiste.

Le spectateur se retourne enfin et découvre une autre femme, sans visage elle aussi mais immédiatement reconnaissable, Cléopâtre, divinité du soleil égyptien, réincarnée par Elizabeth Taylor le siècle dernier… mêlée à des draps de lit, un paysage dessiné, une chemise de nuit, des dentelles… le tout sur de la toile brute pour composer trois grands pans traversants et ajourés. Décor prenant le soleil de la verrière du Garage Amelot. Le spectateur peut alors goûter des oeufs marbrés, des oeufs-bateaux ou des meringues pastels proposées par Géraldine Chaux, designeuse culinaire et intime de l’artiste. 








BANDE SONORE diffusée dans l'exposition


La musique : YOANN TILL 

à écouter en entier dans LA VIDEO DE L'EXPO (montage : Yannick Dangin Leconte)


Le texte : VANINA LANGER 

Je ne sais si c’est la poule ou l’œuf et Marguerite non plus.


Comme dit Tina, cela ne sert à rien. Mais voilà qu’elle se penche pour entrer dans le tableau. Elle marche dans les plis de la robe de l’Infante. Et ramasse de petits cailloux qui la mènent vers des graines ailées, celles-ci racinent dans notre monde, désenchantées, et c’est la fin d’un processus royal de dispersion. 

Ma Tina ne materne pas, elle observe, après quelques siècles, l’espace éclaté dans ses plans déconstruits, la dérobade des points de vue... Aujourd’hui tout le monde s’en fout. Mais les bras de Tina font des arches et elle passe au travers, tout droit. « Elle y a laissé des plumes l’Infante avec son rêve de perpétuité », dit-t-elle en me regardant. La reine Marianne donne naissance à Marguerite, Marguerite ne trouve pas mieux que de faire naître une Marianne, elle en meurt. Contre-temps et Consanguinités de reines et princesses qui nous paraissent si prétentieuses aujourd’hui. Mais que fait-on de mieux ? L’autruche ? 

Après cette histoire, plus rien. Raté. Pouvoir d’ignorance. Subjectivité absolue, cohérence d’espace et de temps perdue dans la Nature. Les autruches éthérées en restent bouche bée. Et on regarde une tempête de sable, même sans sable, même sans vent. Ce sont les lois disent les savants d’en ce moment devant l’éternité de mes poupées russes dont les creux font de petits trous infinis. Fouillons nos trous, cherchons des nids aux œufs d’or. Maintenons-nous en vie. 

Toi et moi, on se penche dans la nuit qui rêve de fuir dans un nouveau coin. Ce sont bien une série de grottes, espaces irréguliers qui s’interpénètrent jusqu’à se coucher dans les plis des draps de notre lit. « De beaux draps » comme on dit. On regarde le coucher du soleil à l’envers, on trouve ça beau. «Et quelle vue ! » disent-ils lorsqu’ils grimpent tout en haut des montagnes, tous ces autres qu’on ne fréquente plus. Suspens, participons à la dérobade des rois. Désaltérons-nous d’un œuf au plat, posé là, non ? Je ne sais pas mais je n’irai pas faire de randonnée. Je me penche c’est tout. Pas de randonnée, pas de rang d’oignons. Je touche mes pieds avec mes mains, et après le sol, le sable, la terre qui tourne... j’attends. Tous mes tendons s’étirent et mes doigts germent dans les pâquerettes, c’est ma recette. L’Infante Marguerite n’était pas narcissique, non c’était autre chose. Une culture royale contre nature, et nous ? quelle culture ? quelle nature ? Alors je reproduis l’humble motif dans une robe à paniers et je fais la boucle, un triple huit, sans bouger, chromosome confondu, couché. Je suis une ondulation qui pour une fois ne décolle pas. Ancrée avec mes ménines à moi, bateau gigogne étendu sur l’horizon. J’étire mes extrémités, et mes bras poussent comme des troncs et s’arc-boutent. Tina passe et repasse toujours en vain en quête de point de vue. Et moi, je décide que mon cou, dans son plongeon sans fin, ne deviendra pas ce chat qui tourne en rond. Je n’ai plus de visage, je respire l’éternité. 

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ma pose ne se fait pas les poches. Non, c’est autre chose, dans l’autre sens, des collines. Un spectateur se penche au-dessus de nous, mais comme le paysage n’a ni queue ni tête, il abandonne et migre, en bon pionnier, vers de nouveaux territoires. Il se faufile avec Tina jusqu’à l’arrière-plan, vers cette porte pleine de lumière. Ils sombrent enfin dans des rideaux fermés. Point de fuite renaissant qui fuit, courageux. Le tracé de son pointillé fond dans notre soleil actuel, comme une comète dans les gommettes d’Hanaé, petite fleur qui monte les escaliers. Une poule et un œuf se baladent dans les pièces gigognes de mon château fortifié. Les chevaliers de mon roi montent la garde des générations et attendent l’air contrarié l’engendrement d’un résultat spontané. 

Rien d’humain n’est venu.
Je ne sais pas si c’est la poule ou l’œuf et Marguerite non plus, toi non plus, mais nous nous penchons sur la question. 


Texte poétique, écrit et dit par Vanina Langer, 2018-2021







Les pâquerettes olfactives : Une odeur de CHLOÉ JEMMING


TEXTE PROPOSÉ AU SPECTATEUR : 

Sentir une odeur c’est ouvrir une porte pour voir autrement… Les odeurs créent un lien instantané, comme un pont invisible, entre notre histoire émotionnelle et notre regard sur le monde. La fragrance des Ménines 21 est composée d’huiles essentielles de Santal, de Nard, de Néroli, de Girofle, de Sapin Baumier et de Combawa. Son odeur nous questionne sur notre relation à la Femme, à l’Enfant, à notre relation à la Vie, à la Terre et à ses Mystères. Elle nous invite à partir en Voyage dans notre histoire émotionnelle et à redécouvrir le monde avec nos multiples regards.


Pâquerettes olfactives. Demi oeufs en plâtre, branche, mousse imbibée d’odeur et snifettes en papier découpées.

Chaque pétale pouvait être cueillie par le spectateur qui l’emmenait avec lui. 







Les hors d'oeuvre : Design culinaire par GERALDINE CHAUX




- Œuf marbré mariné aux épices et au thé noir, garni façon mimosa pickles d’oignons sur nid d’oignons confits (page précédente)


- Œuf en bateau farci au houmous de sésame noir, chantilly citron confit-gingembre et meringues citron


- Muffin aux noisettes, cœur saint Maure, tuile cumin


- Meringue rose à la fraise / jaune au citron / corail à la fleur d’oranger / vert d’eau à la cannelle / rose pâle nature





                                Questionnement théorique

Le tableau dynastique espagnol évoque un paradoxe. Les ménines (que Michel Foucault traduit par Les Suivantessuivent spatialement Marguerite qui suit temporellement ses parents, dans un face à face tronqué. Les parents, couple royal espagnol, sont hors-champ mais se reflètent dans le miroir du fond et nous sommes à leur place. Cet amalgame iconographique rend possible la présence de plusieurs générations et installe le pouvoir postmoderne du spectateur (Duchamp dit bien que le spectateur fait le tableau). Un mystère demeure : quel est le sujet du tableau : la création de celui-ci à travers l’artiste en train de peindre quelque chose que l’on ne comprend pas, l’Infante Marguerite (seule enfant viable de la cour d’Espagne dont les consanguinités font vaciller la descendance), la figure d’un Pouvoir qui voit ce qui nous échappe…? 

En plus du concernement lié au regard admoniteur d’une enfant vers ses parents (nous), une anecdote historique a inspiré le texte poétique de ma réinterprétation des Ménines. La mort de l’Infante Marguerite est aussi un non-sens qui questionne à la manière d’Alice chez Lewis Caroll. Seule enfant viable de la cour d’Espagne: elle meurt en devenant mère et reste l’Infante éternelle. Morte en accouchant d’une fille prénommée Marianne, comme sa mère, il y a en plus un contretemps généalogique, banal dans d’anciennes moeurs, mais contre-nature, fusionnant passé et avenir… comme les consanguinités incestueuses prônées par la culture des familles royales aux descendances ruinées. Une inquiétude gagne. Un non-sens fait l’autruche comme nous faisons les autruches en coupant notre culture actuelle de sa nature vitale, notre environnement. Cette absurdité nourrit le dispositif général de mon installation comme la pensée de Deleuze qui observe dans Logique du sens, que le sens s’exprime toujours dans les deux sens en même temps, idéalement dans la puissance d’un paradoxe, en surface…

Pour aller en profondeur… Dans la conclusion de l’ouvrage Sorcières, la puissance invaincue des femmes, Mona Chollet remarque que l’histoire de la pensée occidentale voit naître l’idée d’une rationalisation, domestication de la nature (Jardins Le Nôtre par exemple) à cette même période de la fin du classicisme, au début du Baroque qui, entre autre, peut se définir dans le fait que l’espace du tableau (uni et composant un Tout à l’âge classique) vole en éclat à cette période. On ne peut plus contenir le monde comme on ne peut plus l’expliquer de façon unifiante, tout déborde. Mon travail parle toujours de cette question postmoderne d’une dérobade, de l’impossibilité de contenir la figure dans son fond, le fond dans une forme… C’est en cela que mes lianes partent toujours à la limite des oeuvres, et que je crée des dispositifs qui mettent en jeu, perpétuellement, un hors-champ. Ici, la dérobade se joue à partir du contre-sens de la posture de l’autruche, au sens figuré (culturel) : qui fuit / au sens naturel (vivant) : qui construit son avenir en veillant à ses oeufs dans leur nid. Le trou n’est donc pas une cachette mais un abri-nid de reproduction pour une survie. Mes lianes se retrouvent ici dans la forme du cou de l’animal qui semble en interaction avec la terre, espace environnant son corps. Mais ce corps devient aérien sous la verrière du Garage Amelot, canopée volante, robe-parachute devenant abri. Un infini est mis en place dans l’échappée, les lianes-cou d’autruche-marguerite et les bras des femmes qui suivent, fuient dans un corps-nature. Elles cherchent, fouillent. Hors, fin XVIIème a lieu une autre découverte, notée par Mona Chollet dans son ouvrage sur les femmes entre nature et culture. En physique : c’est à ce même moment que les scientifiques découvrent que le monde est « infini », que quelque-chose nous échappe : nous ne sommes plus « contenus » dans un contenant défini et stable… C’est sans doute pour cette raison que les peintres créent à ce moment précis des compositions évoquant un hors-champ, comme si le sujet ne tenait plus en place dans l’objet tableau, dans le cadre de la fenêtre ouverte sur le monde un siècle plus tôt… Comme par hasard, c’est à ce moment que l’on cherche à dompter le corps des femmes qui lorsqu’elles expriment un pouvoir ou une liberté, sont exterminées pour cause de sorcellerie. Philosophiquement d’ailleurs : c’est à ce moment que Descartes coupe le corps de l’esprit dans sa métaphysique (qui est encore la base de notre façon de penser), et surtout place la femme du côté du corps et l’homme du côté de la pensée… Ainsi les femmes disparaissent de la culture pour appartenir à la nature que l’on tente de domestiquer de toutes les façons, l’infini en oeuvre dans leur corps devenant inquiétant?… Les figures et postures de mon installation tentent de rendre compte de cet emprisonnement du corps féminin qui se débat dans le carcan-paysage….

Vanina Langer. 2020.




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