INSTALLATION

 FEMME-PAPIER 

 INSTALLATION DE RECHERCHE / RÉSIDENCE DRAWING FACTORY 


La Drawing Factory, résidence créée par l'équipe de Drawing Lab-Drawing Now et le CNAP,  a eu lieu de Mai à Septembre 2021. Trente-deux artistes y ont occupé un atelier dans les anciennes chambres de l'Hotel Cecilia, 11 avenue Mac Mahon, PARIS 17

J'y occupais la chambre n°24 avec balcon vue sur l’arc de triomphe. Cet espace a été l'occasion pour moi de démarrer une nouvelle fiction à partir d'un personnage de roman offert par son auteur, Philippe Obliger.

Dans le roman, le personnage, féminin, est atteint d’une maladie imaginaire, elle sécrète de la cellulose pure et prend des bains pour prélèver cette pâte à papier précieux avec une petite raclette en bois. Confinée par un collectionneur de papier depuis son enfance, la Captive se met à faire des oeuvres pour passer le temps... Voilà le point de départ d'une nouvelle mythologie entreprise in situ juste après la finalisation de "FAIRE L'AUTRUCHE" en mai 2021 où Cléopâtre et l'Infante Marguerite, discutaient en silence en format un paysage chimérique entre nature et culture du vivant (voire Installation au Garage Amelot).

Plusieurs axes de réflexion apparaissent en travaillant :  

- la créature et la femme artiste
- la chambre à soi et l'atelier
- la femme au bain
- l'expérimentation de la pâte à papier devenant lieu qui comme souvent dans mon travail réfléchit l'interaction entre corps et environnement...
- le confinement et l'enfermement d'une femme dans son enveloppe, son image, ses contours... 
- une référence au personnage de Camille dans le Mépris de Godard
- le rêve d'évasion, le road trip en Giulia Sprint
- le paysage incommensurable des Bouddhas géants d'Afghanistan, où nature et culture conversent de façon tragique, contant l'explosion de la figuration d'un état de sérénité.


Les photos suivantes témoignent du croquis jeté en trois dimension et de façon expérimentale dans la chambre de la Drawing Factory. Quelques oeuvres y débutent. Le texte poétique, qui est toujours la colonne vertébrale de ma recherche, sur plusieurs années, est actuellement en cours.








































Début de recherche d'un design culinaire par GERALDINE CHAUX 
en lien avec cette Femme-Papier et sa mythologie 
    
                                                           









   pâte à papier































THIS IS THE END















 FAIRE L’AUTRUCHE 

 Je ne sais pas si c’est la poule ou l’oeuf et Marguerite non plus 

Une installation d’art total au Garage Amelot, Paris 11

15 - 26 mai 2021


VIDEO DE L'EXPO



Produit par QUELQUE-CHOSE DE NEUF


Texte d’exposition : Grégoire PRANGÉ


Soutenu par PLATEAU URBAIN





                                                                                             © Corentin Schimel




                                                                                         © Corentin Schimel




 © corentin schimel



Texte d'exposition 

" L’as-tu vue ? Là, au milieu de la salle, flottant entre deux mondes, l’as-tu vue ? Le visage baissé – a-t-elle seulement un visage derrière cette longue cascade de cheveux dorés – le dos courbé, femme-colline aux multiples lianes déployées. L’as-tu vue ? Certes tu as regardé – comment passer à côté – mais s’il te plaît, regarde encore.

C’est une jeune femme qui se tient là. Elle enfouit sa tête dans le sol, telle l’autruche se reconnecte avec la terre, chaude, accueillante, ne fait plus qu’un avec l’environnement. Son visage ? Nul ne le peut deviner – ni même son identité. On nous dit qu ́elle est Marguerite, celle du tableau de Vélasquez, l’infante d’Espagne à la vie tragique, éternelle enfant au futur amputé – net – entourée de ses suivantes, immortalisée dans l’un des chefs d’œuvres du baroque espagnol. Elle est image avant d ́être personne, pourrait aussi bien n’être personne, ou bien l’humanité toute entière, pourrait aussi bien être la terre – elle est la forme, celle qui se tient cachée, qui se devine plus qu’elle ne se voit. Elle est mystère.

De son corps-paysage s’échappent des lianes – lignes courbes dessinent dans l’espace – comme le cou de l’autruche reliant le corps à la terre connectent et reconnectent, des coudes, des détours, des chemins que l’on suit vers l’ailleurs. La femme-liane est la femme magicienne, la sorcière aux forces telluriques, la liberté réprimée, l’enfance que l’on ne sait regarder, la terre que l’on ne sait écouter.
Et elle se tient courbée, devient colline parmi d’autres, de sa robe qui s’étend sur le paysage couvre la terre, et puis les autres aussi, les couve et on se tient dessous, sous la colline, couvés nous aussi par les larges pans de son vêtement et une voix résonne, qui parle de Tina – elle aussi sous la robe – de Marguerite et nous raconte, et la musique nous entraîne – on pourrait bien danser. Couvés nous aussi, comme ces œufs cuisinés tout autour, ceux sur les présentoirs, suspendus dans l’espace comme autant d’offrandes culinaires pour on ne sait quelle force surnaturelle – ou bien sont-ils pour nous ?

On sort de sous la robe, à l’extérieur retournés de grands pans de tissus se dressent devant notre regard. On les avait vus en arrivant, ils étaient bien là mais blancs presque tout entiers, de l’autre côté. À présent profusion d’images et de symboles, de grandes compositions à observer : un arbre blanc sur ciel de toutes les couleurs, de nombreuses lianes emmêlées, des motifs de papier peint remplis de formes géométriques, encore des couleurs et là des cheveux dessinent les contours d’un visage disparu, absence révélée, la lumière passe à travers non ? C’est le visage de Cléopâtre qui manque ici – mais il ne manque pas, au contraire marque, on ne voit que lui, présence presque assourdissante ! Une autre femme- image donc, mythe presque divin, la femme-soleil à l’aura plusieurs fois millénaire. Une autre tragédie aussi, une mort devenue fantasme pour les arts et la mémoire, une renaissance quasi-cosmique. Cléopâtre n’est pas une enfant, elle, mais magicienne également est devenue image puissante à la chaleur solaire, est devenue symbole.

Marguerite et Cléopâtre pourraient bien se regarder, si l’une n’avait pas les yeux rivés dans le sol, si l’autre ne s’était pas livrée au cosmos. Elles pourraient se regarder et qu’auraient- elles à se dire ? Qu’auraient-elles à nous dire ? Passant de l’une à l’autre nous créons le dialogue, nos corps dans l’espace comme autant de flux entre ces deux femmes-images jouent le discours de leur rencontre empêchée. L’environnement tout entier transpire leur présence, et nous aussi."

Grégoire Prangé Lille, mai 2021












Un REVERS DE TOILE à l’entrée, faisait entrer le spectateur par l’envers du décor… Trois grands pans côte à côte, travaillés de transparences prenant le soleil de la verrière, dans lequel une autruche plonge son cou au revers. De face : la divinité du soleil égyptien prenait place aux travers les contours d’Elizabeth Taylor lorsqu’elle réincarne le mythe de Cléopâtre dans le film célèbre. Femme culturelle éternelle faisant face à Marguerite. L’oeuvre fusionnait un drap de lit, un morceau de paysage dessiné, des morceaux de chemises de nuit, de tissus plus ou moins précieux



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Cléopâtre au soleil (revers), 2021

Dessin à l’encre et stylos sur papier et tissus, photo-collages, chemise de nuit, toile de parachute et perles, marouflés sur toile.350x700cm






                                                                                                                                                                                                                   












L’INFANTE MARGUERITE du tableau de Velasquez "Les Ménines" est morte en accouchant d’une fille prénommée comme sa mère. Ce contre-temps comme les consanguinités royales dont elle est issue, a inspiré la création d’une femme-paysage qui prendrait la posture d’une autruche pour fuir son environnement. Sa robe à paniers devint île de ménines, suivantes métamorphosées en montagnes de dentelles. Dans son refuge pouvaient entrer quatre, cinq personnes. Y étaient diffusée la bande sonore, poème adressé au spectateur sur une musique de Yoann-Till. On pourrait aussi penser qu’elle tire sa révérence à la femme culturelle qui lui fait face, éternelle Cléopâtre s’adaptant perpétuellement aux cultures humaines.


                                                                                               © corentin schimel


                                                                                         © corentin schimel

      © corentin schimel









UNE PORTE PLEINE DE LUMIÈRE. Une petite procession de bateaux-coquilles d’oeufs sur farine menaient vers un microcosme en parpaings à l’intérieur rose coquille d’oeuf, présentant les pièces réalisées dans la maturation de l’exposition. Sur son mur extérieur : un grand dessin matrice présentait Les Suivantes (Foucault traduit Meninas ainsi) : trois femmes s’engendrant l’une l’autre en travaillant leur fond environnant comme une germination infinie qui déborde forcément son cadre.





Les Suivantes, 2021

Crayons stylos, collage, plume, perles, papier peint, peaux de poissons découpées… sur papier marouflé sur toile.130x240cm.




dans le microcosme rose :








Vanina Langer déploie dans les 800m2 du Garage Amelot une aventure multi-sensorielle interrogeant notre relation au vivant, entre sculptures pénétrables, dessins monumentaux, poésie sonore, musique, design culinaire et oeuvres olfactives... L’artiste est entrée dans le chef d’œuvre de Vélasquez et le spectateur parcourt un paysage mythique, de la robe à paniers de l’Infante Marguerite jusqu’au soleil actuel de notre monde chiffonné.


Projet d’art total rétrospectif du travail des trois dernières années, l’oeuvre monumentale déploie la nouvelle mythologie de l’artiste, réflexion sur l’engendrement du vivant dans notre monde : posture de l’homme lorsqu’il invente des cultures contre nature. Le contre-sens de l’expression faire l’autruche est le point de départ du projet. Que fait-elle lorsqu’elle plonge son cou dans la terre? Nous y projetons une fuite comme si elle fermait les yeux sur notre univers en cachant sa tête. Hors ce trou est son nid et l’autruche y retourne ses oeufs pour maintenir une température ambiante… Elle veille donc au bien-être de sa descendance pour dessiner un avenir, survivre.


Les oeuvres de l’artiste questionnent la relation de l’être à son environnement en tissant des liens, lianes métissées des miettes qu’elle glane pour créer du sens et des histoires. Ici, la question est celle de l’homme dans l’espace-temps actuel, en anthropocène, écrin de la vie humaine qui ne permet plus de penser une éternité. La liane pourrait être le cou infini d’une autruche ou les entrailles de femmes issues de notre Histoire de l’art. 


La scénographie de l’exposition réinterprète les Ménines de Velasquez et sa dérobade par rapport aux questions de transmission et générations. Le regard inquisiteur d’une enfant vers ses parents, éternellement réactualisé par chaque spectateur, avec sa toile de fond de consanguinités royales elle aussi contre nature. Marguerite, la femme-fleur, se penche dans la posture célèbre de l’autruche. Elle et ses suivantes deviennent paysage, île ou canopée composée de branches tressées, dentelles amidonnées, fragments de robe nacrée et d’un parachute désossé. A l’intérieur de ce refuge, la voix de l’artiste scande son texte poétique adressé au spectateur, sur la musique de son compagnon, Yoann-Till, qui invite à danser. Les bras et la chevelure de l’Infante sortent de la robe et parcourent l’espace à l’aveugle, tandis que sa traîne propose une descendance végétale : pâquerettes olfactives dont le spectateur peut prendre une pétale imbibée d’une odeur composée spécialement par Chloé Jemming, nez et olfacto-téhrapeute, amie d’enfance de l’artiste.

Le spectateur se retourne enfin et découvre une autre femme, sans visage elle aussi mais immédiatement reconnaissable, Cléopâtre, divinité du soleil égyptien, réincarnée par Elizabeth Taylor le siècle dernier… mêlée à des draps de lit, un paysage dessiné, une chemise de nuit, des dentelles… le tout sur de la toile brute pour composer trois grands pans traversants et ajourés. Décor prenant le soleil de la verrière du Garage Amelot. Le spectateur peut alors goûter des oeufs marbrés, des oeufs-bateaux ou des meringues pastels proposées par Géraldine Chaux, designeuse culinaire et intime de l’artiste. 








BANDE SONORE dans l'exposition


La musique : YOANN TILL 

à écouter en entier dans LA VIDEO DE L'EXPO (montage : Yannick Dangin Leconte)


Le texte : VANINA LANGER 

Je ne sais si c’est la poule ou l’œuf et Marguerite non plus.


Comme dit Tina, cela ne sert à rien. Mais voilà qu’elle se penche pour entrer dans le tableau. Elle marche dans les plis de la robe de l’Infante. Et ramasse de petits cailloux qui la mènent vers des graines ailées, celles-ci racinent dans notre monde, désenchantées, et c’est la fin d’un processus royal de dispersion. 

Ma Tina ne materne pas, elle observe, après quelques siècles, l’espace éclaté dans ses plans déconstruits, la dérobade des points de vue... Aujourd’hui tout le monde s’en fout. Mais les bras de Tina font des arches et elle passe au travers, tout droit. « Elle y a laissé des plumes l’Infante avec son rêve de perpétuité », dit-t-elle en me regardant. La reine Marianne donne naissance à Marguerite, Marguerite ne trouve pas mieux que de faire naître une Marianne, elle en meurt. Contre-temps et Consanguinités de reines et princesses qui nous paraissent si prétentieuses aujourd’hui. Mais que fait-on de mieux ? L’autruche ? 

Après cette histoire, plus rien. Raté. Pouvoir d’ignorance. Subjectivité absolue, cohérence d’espace et de temps perdue dans la Nature. Les autruches éthérées en restent bouche bée. Et on regarde une tempête de sable, même sans sable, même sans vent. Ce sont les lois disent les savants d’en ce moment devant l’éternité de mes poupées russes dont les creux font de petits trous infinis. Fouillons nos trous, cherchons des nids aux œufs d’or. Maintenons-nous en vie. 

Toi et moi, on se penche dans la nuit qui rêve de fuir dans un nouveau coin. Ce sont bien une série de grottes, espaces irréguliers qui s’interpénètrent jusqu’à se coucher dans les plis des draps de notre lit. « De beaux draps » comme on dit. On regarde le coucher du soleil à l’envers, on trouve ça beau. «Et quelle vue ! » disent-ils lorsqu’ils grimpent tout en haut des montagnes, tous ces autres qu’on ne fréquente plus. Suspens, participons à la dérobade des rois. Désaltérons-nous d’un œuf au plat, posé là, non ? Je ne sais pas mais je n’irai pas faire de randonnée. Je me penche c’est tout. Pas de randonnée, pas de rang d’oignons. Je touche mes pieds avec mes mains, et après le sol, le sable, la terre qui tourne... j’attends. Tous mes tendons s’étirent et mes doigts germent dans les pâquerettes, c’est ma recette. L’Infante Marguerite n’était pas narcissique, non c’était autre chose. Une culture royale contre nature, et nous ? quelle culture ? quelle nature ? Alors je reproduis l’humble motif dans une robe à paniers et je fais la boucle, un triple huit, sans bouger, chromosome confondu, couché. Je suis une ondulation qui pour une fois ne décolle pas. Ancrée avec mes ménines à moi, bateau gigogne étendu sur l’horizon. J’étire mes extrémités, et mes bras poussent comme des troncs et s’arc-boutent. Tina passe et repasse toujours en vain en quête de point de vue. Et moi, je décide que mon cou, dans son plongeon sans fin, ne deviendra pas ce chat qui tourne en rond. Je n’ai plus de visage, je respire l’éternité. 

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ma pose ne se fait pas les poches. Non, c’est autre chose, dans l’autre sens, des collines. Un spectateur se penche au-dessus de nous, mais comme le paysage n’a ni queue ni tête, il abandonne et migre, en bon pionnier, vers de nouveaux territoires. Il se faufile avec Tina jusqu’à l’arrière-plan, vers cette porte pleine de lumière. Ils sombrent enfin dans des rideaux fermés. Point de fuite renaissant qui fuit, courageux. Le tracé de son pointillé fond dans notre soleil actuel, comme une comète dans les gommettes d’Hanaé, petite fleur qui monte les escaliers. Une poule et un œuf se baladent dans les pièces gigognes de mon château fortifié. Les chevaliers de mon roi montent la garde des générations et attendent l’air contrarié l’engendrement d’un résultat spontané. 

Rien d’humain n’est venu.
Je ne sais pas si c’est la poule ou l’œuf et Marguerite non plus, toi non plus, mais nous nous penchons sur la question. 


Texte poétique, écrit et dit par Vanina Langer, 2018-2021







Les pâquerettes olfactives : Une odeur de CHLOÉ JEMMING


TEXTE PROPOSÉ AU SPECTATEUR : 

Sentir une odeur c’est ouvrir une porte pour voir autrement… Les odeurs créent un lien instantané, comme un pont invisible, entre notre histoire émotionnelle et notre regard sur le monde. La fragrance des Ménines 21 est composée d’huiles essentielles de Santal, de Nard, de Néroli, de Girofle, de Sapin Baumier et de Combawa. Son odeur nous questionne sur notre relation à la Femme, à l’Enfant, à notre relation à la Vie, à la Terre et à ses Mystères. Elle nous invite à partir en Voyage dans notre histoire émotionnelle et à redécouvrir le monde avec nos multiples regards.


Pâquerettes olfactives. Demi oeufs en plâtre, branche, mousse imbibée d’odeur et snifettes en papier découpées.

Chaque pétale pouvait être cueillie par le spectateur qui l’emmenait avec lui. 







Les hors d'oeuvre : Design culinaire par GERALDINE CHAUX




- Œuf marbré mariné aux épices et au thé noir, garni façon mimosa pickles d’oignons sur nid d’oignons confits (page précédente)


- Œuf en bateau farci au houmous de sésame noir, chantilly citron confit-gingembre et meringues citron


- Muffin aux noisettes, cœur saint Maure, tuile cumin


- Meringue rose à la fraise / jaune au citron / corail à la fleur d’oranger / vert d’eau à la cannelle / rose pâle nature













© Marie de la Fresnay

















La DATURA, Frigos du PRéàVIE, 2020
Installation in situ pour l'exposition AFTER





Vanina Langer, ancien frigo du PRéàVIE. 2020.

Pièce-relief centrale : peinture sur papier marouflé sur polystyrène, fils de fer, perles, dessins découpés, branches, argile, 100x25x15cm.

Installation in situ : fils de fer, laine, plâtre, pétales de fleur en tissu, leds, bougies, hors d’œuvres et main en cire. 450x600x100cm. 

 



 
Comme beaucoup de mes œuvres, la Datura est une femme-liane, elle relie des morceaux, des miettes glanées dans notre  monde et auxquels elle s’enlace pour créer une Femme-paysage. C’est un corps ouvert sur son environnement, en interaction, en quête. Les botanistes disent que les lianes sont dans une course à la lumière, ici celle-ci est nocturne, entre guirlandes de bal populaire et bougies de fête.
 
La datura est une fleur de chamanes, hallucinogène, elle permet une sortie de soi qui m’intéressait pour l’exposition After, évoquant  ce qui fait la réussite d’une fête : s’oublier un instant, s’aventurer hors de soi. La notion de parergon ( La vérité en peinture, Jacques Derrida, 1978), fait actuellement sens par rapport à ce que tissent mes lianes : cadre incorporant intérieur et extérieur, condensant des opposés irréconciliables, restes insolites, ornements que Kant qualifie de dangereux de par dans leur capacité à nous détourner du sujet principal. En effet, l’installation a débuté avec une peinture relief créée pendant le confinement, portrait de cette femme-fleur, et l’installation dans le cadre de l’ancien frigo de l’usine du PRéàVIE a consisté à partir hors champs comme je le fais toujours. 
 
Le parergon contient l’idée de parure et il y a l’évocation d’une femme qui se fait belle pour sortir, perles et bijoux créant un espace transitionnel dans la ruine de l’usine (les friches sont nos ruines, restes de notre monde les plus propices pour en parler quelquefois. Derrida évoque le fait que ce parergon crée un lieu particulier dans notre monde pour y présenter l’art, et c’est ce que construit la Datura avec le tuteur d’un arbre mort qu’elle tient, paradoxalement, debout. Récupéré in situ (dans la cour bétonnée de l’ancienne usine de Salaisons Busso : lieu de résidence Soukmachines), l’arbre a permis de créer un paysage d’après dans cet immense frigo. Le sol est saupoudré de farine et de sciure de bois (récupérée dans les ateliers du PRéàVIE) et j’ai intégré de vrais hors d’œuvres dans l’installation, le spectateur pouvait ainsi manger ces mignardises de vernissage qui appartiennent aussi au lieu du parergon avec lequel je m’amuse actuellement.




























   









vue frontale avec une oeuvre de Trapier-Duporté à droite 








 










 



 

LES VOEUX, Garage Amelot, 2020
Installation-sculpture pour Plateau Urbain












 






JARDIN COSMIQUE, Espace Canopy, 2019
Installation-sculpture curatée par Pierre Allizan




Un Jardin cosmique, installation suspendue (vue générale), 2019. 
Perles, fils de fer, branches, dessins découpés, laine, peinture sur polystyrène... 300x300x50cm.




Détails :




















Vues de l'exposition Un Jardin Cosmique avec les oeuvres de Paulin Lefeuve :


















UN BATEAU EN LYDIE POUR MA FILLE
Installation in-situ, Les Machines Urbaines I, 2017.















































Reflet dans l'oeuvre de Thomas Van Reghem,



Exposition du 24 février au 12 mars 2017
36, rue de Crimée, 75019 Paris / Métro Botzaris – Place des Fêtes









 LIGNES DE FUITE, LYDIA FINK 
 Installation monumentale au Pavillon du Dr Pierre / Nanterre 
 Nuit Blanche 2015 



Installation monumentale in-situ au Pavillon du Dr Pierre, Nanterre, 
Nuit Blanche 2015
Peinture au pigment sur sol, murs et plafond / Lianes suspendues (tissus, dessins, peinture, branches, perles, fils de fer...). 
Dessin phosphorescent à la lessive/lumière noire 


Bande sonore : Valse de Anacosmos / Texte et voix : Vanina Langer.
Projet de fin de résidence avec SOUKMACHINES.








Lydia Fink tenait l'usine du Dr Pierre où j'ai réalisé une résidence. La sonorité de son nom a déclenché un travail in- situ sur l'espace et ses horizons infinis. Étymologiquement, Lydie évoque un pays, Fink un oiseau, alors cette absente éclaire un paysage évanescent comme un point de fuite invisible.




DEAMBULATION :


























* Texte de la bande sonore :

"Hey, Catela.

                Il fallait que cela ait lieu.
            L’espace s’est ouvert. Découvert notre paysage. Les chars à voile de Lydie courent à l’horizon, et Catela est revenu, il sautille, gai comme un pinson dans la cour du Pavillon. Moi, cachée, j’attendais que quelque chose apparaisse de mon grenier. Sous le dôme de mon château, je te regarde, Catela. Je regarde les étoiles filer. Un message, et tu parles de ta famille. Moi non, j’attends les vacances et l’infini d’un temps qui s’arrête. 

Partout, dans les failles entrouvertes entre ciel et terre et à mon plafond, il y a des écarts. Ils déploient, ici et là, des plans, en perspective, et des orientations se dessinent, un sens émerge, sous tes yeux. La salle à machine devient autre chose, je fais ce que je veux tu sais, pas que du parfum! Je me déploie, discrètement mais sûrement. Je me fonds comme Ophélie dans les Affinités électives. J’apparais, morceau de pays disparu. J’en parle à Crésus et à mes origines perdues, à ma race presque effacée. Nous possédions un horizon qui nous illimitait, il ouvrait des profondeurs. Toi, tu sautes à cloche pied, de planète en planète, pourquoi pas ? À la pointe de l’invisible, tu tends des destinations, une sorte de marelle pour les grands ? 

D’intervalle en intervalle, les pinçons battent de leurs ailes, entre proche et lointain, pulsation de ma respiration. Je suis, avec mes yeux, et dans le passage, cela fait image. Et des paysages se tissent les uns dans autres, soutenus par une unité perdue. 

Aujourd’hui, tout se présente encore à ma vue, et je suis le chemin. Penelope me tend la main et laisse tomber une ribambelle d’Ulysses de pacotille, ils volent en apesanteur et je marche dessus. Je m’aventure dans mon étendue. Mes contours flottent comme des bouées dans l’océan. Frontières qui s’amusent à se mettre à plat le long de mes bras. Mes mains sortent du paysage à la recherche d’un peu d’air. Tu gigotes et moi j’explore au-delà, je pars plus loin, un peu après. Je décolle du système solaire, de galaxie en galaxie, toujours un peu plus loin, le long d’étranges liens. Même pas besoin  de fusée, tu sais : tout cela n’est qu’une ébauche du Grand voyage, mon cher Catela. 

Des images de terre et de ciel ? Oui, mais je te demande une fable, une ligne poétique. 
Je voulais que tu crées, un espace où j’aurais pu me déployer, un instantané. Mais quelque chose m’emporte comme un bateau découlant de tous les rivages. Ton visage s’efface. Je relève ma petite tête de pinçon, même pas pour tenter l’élégance, tu sais, juste pour me souvenir de tout ce qui nous échappe. C’est peut-être cela garder les pieds les pieds sur terre, avoir conscience d’une profondeur infinie, comme un rappel à l’ordre, et puis tout fuit... Je me pose sur l’horizon et je laisse la ligne ouvrir mon corps et l’espace. La surface dans laquelle je me confonds donne une sensation d’ensemble homogène. 

On pourrait toujours découvrir d’autres pays toi et moi, on n’ira pas dans l’arrière-pays, ok, même si moi c’ était ça qui m’intéressait ; J’aurais voulu que les choses du 1er plan et du 2ème plan cessent d’être en compétition, et que tout se pose dans un beau tableau tout calme. Mais non, le fond de nos figures reste abyssal et moi un être vertical dans l’espace dispersé. Je suis la fable de moi–même. Je suis Lydia Fink. Et j’aimerais réussir à chanter pour que tu lèves enfin ta foutue tête."



L'Histoire et l'histoire :

Léo Fink a créé l’usine des Parfums Forvil au Pavillon du Dr Pierre pendant les années folles. D’origine juive, il fut déporté avec sa femme et ne revint pas. Lydia Fink, sa fille, sans doute cachée pendant la guerre, récupéra l’usine à la Libération et continua de créer des parfums ainsi que du dentifrice à la menthe poivrée jusqu’en 1969. On ne sait presque rien sur elle, à part qu’elle ne se maria pas et n’eut pas d’enfants. La seule anecdote que racontent les ouvrières (rencontrées en début de résidence), c’est qu’elle avait un amant, Mr Catela, qui teint officieusement l’usine avec elle, considéré comme le patron. Lydia Fink était réputée pour sa discrétion, son effacement. Le petit monde du Pavillon savait simplement, sans avoir jamais rien vu, qu’ils étaient amants et qu’ils partaient ensemble en vacances. Cette histoire a déclenché un texte, dit sur une valse créée par le groupe Anacosmos*, et qui était diffusée dans l'installation, sortant d’un des trous de l’ancienne salle à machines.

La résidence menée au Pavillon du Dr Pierre de Mai à Octobre 2015 a été l’occasion de développer ce travail in-situ à partir des traces, lignes et fissures du lieu. Dans mon travail qui interroge la relation de la figure et du fond dans le paysage : Lydia Fink est une sorte de figure perdue. EtymologiquementLydie évoque le pays disparu du roi Crésus, et Fink : un “pinson” en juif alsacien. Alors cette femme absente est devenue paysage, et la sonorité de son nom de roman a déclenché une fiction.
Dans mes dessins et peintures, la figure a toujours déployé un réseau de liens ou de lianes pour s’incarner dans l’espace. Ici, ce personnage-espace devient une sorte d’éclaireuse de paysages éphémères, jouant sur le perpétuel basculement du point de vue qui éclate l’espace en d’infinies images. L’œuvre monumentale ouvre des béances bleu-nuit, morceaux de ciels ou vagues, et projette des lignes vers le point de fuite mobile d'un Lydia Fink insaisissable. 



     en Résidence au Pavillon du Dr Pierre, Nanterre.









































 BLANCHE NEIGE  /  Installation sonore 
 Jardin-musée de l'Outrefôret/ Alsace, 2005 





































LA ROBE BLANCHE / Installation Land art
L'Art Ferme chez Philippe Obliger, Outreforêt, 2003




















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